Quelles modulations la perspective artistique développe- t-elle au Brésil au milieu du XIXe siècle, pour représenter les secteurs populaires, et en particulier le monde esclave ? Notre article part de cette question pour réfléchir sur quelques oeuvres picturales produites par les européens Johann M. Rugendas et Jean-Baptiste Debret. Nous y considérons particulièrement quelques planches présentes dans Viagem pitoresca através do Brasil (1835) de Rugendas, et dans Viagem pitoresca e histórica ao Brasil (1834-1839) de Debret. Nous nous centrons sur un corpus d’images paradigmatiques pour percevoir comment sont conceptualisés esthétiquement les secteurs populaires brésiliens (en particulier, les esclaves des “fazendas” et de la capitale). En effet, au Brésil, ces deux artistes abordent de manière explicite la thématique esclave, tout en adoptant une perspective de dénonciation malgré les pressions exercées par les institutions impériales. L’analyse critique de quelques images et des essais qui les accompagnent (écrits par les mêmes auteurs) permet de découvrir les difficultés éthiques et esthétiques que suppose l’appréhension de cet univers marginal. De notre point de vue, ces artistes remarquent que l’expérience esclave instaure un excès qui dépasse les limites éthiques et esthétiques de l’art (spécialement, en rendant impossible la stylisation pleinement romantique développée « sans conflits » face à un monde indigène plus facilement idéalisable).